Le 26 janvier 2015
Monsieur Abdellah Tourabi
Directeur de la rédaction
« Telquel »
Concerne : réaction au dossier« Le Maroc
à l’offensive » dans les éditions du 23 janvier
Monsieur le Directeur,
Votre hebdomadaire a publié dans ses éditions du 23 janvier un dossier sur la diplomatie marocaine.
Je ne peux pas m’empêcher de réagir à votre analyse du « conflit ouvert entre l’Occident et la Russie » (page 18, première colonne) que je trouve biaisé et évasif.
Le fait de passer sous silence l’Ukraine, tandis qu’elle est au cœur de ce conflit, ajoute de la confusion à vos propos et frise un mensonge par omission, certes, involontaire.
Les auteurs du dossier constatent la volonté de M. Poutine de « redonner à son pays son prestige et sa puissance d’antan ». Mais ils éludent la question de savoir par quels moyens veut-il y parvenir.
Est-ce en rejetant le droit international et en remettant en cause la souveraineté et l’intégrité territoriale de ses voisins que l’on retrouve son prestige?
Est-ce en sapant les principes de la stabilité et de la paix européennes qui ont permis au continent de vivre en paix depuis 1945 que l’on restaure sa puissance?
Est-ce en imposant une guerre hybride, lâche et perfide, à l’Est de l’Ukraine que l’on retrouve sa grandeur ?
Je ne développe pas davantage ce thème, car vous lisez la presse internationale.
Je regrette également que les auteurs du dossier gobent l’un des clichés-épouvantails du nationalisme russe – le sempiternel complot visant à « mettre à genoux » la Russie.
En réalité, c’est l’agression de ce pays contre la démocratie ukrainienne qui a obligé l’Union Européenne, les Etats-Unis, le Canada et d’autres puissances à réagir, à tenter de faire revenir la Russie dans le droit chemin du respect des principes fondateurs de la Charte de l’ONU.
On n’est pas à genoux quand on respecte la liberté d’autrui.
Ce que l’on demande à la Russie, c’est qu’elle respecte ses propres engagements, qu’elle retire ses 8 000 soldats et ses armements lourds du territoire ukrainien, qu’elle arrête de payer et d’armer ses mercenaires terroristes qui ont pris en otage la population d’une partie de l’Est ukrainien et qui ont encore tué le 24 janvier 27 civils ukrainiens en bombardant un marché de samedi à Marioupol.
Ainsi, il est complètement erroné de faire passer la volonté de la Russie d’ériger le déni de droit international en règle de son comportement par une sorte de « résistance à l’Occident imposant sa loi ». Car dans ce cas précis il est question de la loi universelle de respect du droit international et de la souveraineté que nul ne sera autorisé à braver.
Restant un fidèle lecteur de « Telquel », je vous prie d’agréer, Monsieur le Directeur, les assurances de ma haute considération.
Yaroslav Koval
Ambassadeur